Sur les traces de la Résistance et de la déportation : "Itinéraires dans les lieux de mémoire" Episode 4 : La Maison du Docteur Dugoujon
- Marie-Armelle FOUILLARD

- il y a 7 jours
- 4 min de lecture

Dans l’épisode précédent de notre série Itinéraires dans les lieux de mémoire, nous avons suivi les pas des résistants grenoblois, entre sabotages audacieux et répressions sanglantes.
Aujourd’hui, nous poursuivons ce voyage au cœur de l’histoire de la Résistance en quittant Grenoble pour Caluire, près de Lyon, dans une maison devenue symbole tragique de la lutte clandestine : la maison du docteur Dugoujon.
C’est là qu’un après-midi de juin 1943, une réunion capitale devait sceller l’avenir de l’Armée secrète.
Mais ce rendez-vous tournera au drame et frappera durement la Résistance intérieure française.
(Cette série « Itinéraires dans les lieux de mémoire » se déroule en parallèle de notre autre série consacrée au 80ᵉ anniversaire du retour des déportés. Deux approches complémentaires pour comprendre à la fois le combat et les souffrances, la Résistance et la Déportation, l’action et la mémoire.)
Episode 4 : La Maison du docteur Dugoujon, pour une rencontre au sommet
Le contexte
Nous sommes le 21 juin 1943 en début d’après-midi. Les principaux responsables militaires des organisations de zone sud se rendent en ordre dispersé, à un rendez-vous convenu place Castellane à Caluire (aujourd’hui place Gouailhardou). Cette réunion importante a pour objet de désigner le remplaçant du général Delestraint, chef de l’Armée secrète, arrêté quelques jours auparavant à Paris. La maison du docteur Dugoujon est choisie pour ses atouts sécuritaires : le lieu est isolé, facile d’accès, comporte une issue par l’arrière, et le cabinet médical n’attire pas l’attention.
Les participants arrivent chez le Docteur Dugoujon
Dès 13h30, les premiers participants arrivent, accueillis par la gouvernante du docteur, Marguerite Brossier.

« Nous venons de la part de Monsieur Lassagne ». A l'énoncé du code prévu, Marguerite Brossier les conduit au premier étage. Sont présents, André Lassagne, adjoint du général Delestraint pour la Zone Sud et ami du docteur Dugoujon, Bruno Larat, chef national des opérations de parachutage et d’atterrissage, Albert Lacaze, récemment intégré à l’Etat-major de l’Armée secrète ; Henry Aubry, chef de cabinet du général Delestraint ; René Hardy, alias Didot, membre du mouvement Combat, responsable du NAP-Fer, qui coordonnait les sabotages ferroviaires, mandaté par Pierre Bénouville pour le remplacer à cette réunion.
Jean Moulin, représentant le général de Gaulle (qui s'est présenté chez le médecin, sous le nom de Jacques Martel), Émile Schwarzfeld, chef du mouvement « France d’abord », candidat de Jean Moulin pour succéder au général Delestraint, et Raymond Aubrac, chef des groupes paramilitaires du mouvement « Libération », attaché à l’état-major de l’Armée secrète arrivent au rendez-vous avec 45 minutes de retard.
L’incompréhensible arrestation des chefs de la résistance
A peine un quart d’heure plus tard, la Gestapo investit la maison par surprise. André Lassagne raconte : « Ce fut l’irruption, dans la pièce où nous nous trouvions, de 4 ou 5 policiers allemands, armés de pistolets et de mitraillettes. Rapide bousculade de coups de poing et de crosse et nous nous retrouvâmes très vite les mains liées par des menottes, face au mur...».
Trois voitures attendent place Castellane, et Marguerite Brossier de témoigner d’une scène surprenante : « J’ai vu redescendre un des trois hommes qui étaient montés ensemble, encadré par quatre hommes de la Gestapo... il s’est enfui... Les Allemands se sont mis à crier et à tirer des coups de feu... Par la suite, en réfléchissant, j’ai été étonnée qu’ils ne l’aient pas tué, car ils lui tiraient dessus de très près...».
L’affaire René Hardy
L’évasion facile de René Hardy, et la protection dont il semble avoir bénéficié dans les jours suivants, le rendent suspect et traitre à la cause résistante. Accusé, Hardy sera jugé à Paris en 1947, puis en 1950, pour être finalement acquitté à une voix près. Cependant, des faits continuent de jeter le trouble sur sa conduite, et pour les historiens, il ne fait pas de doute que Hardy a trahi ses camarades.

Pourquoi a-t’il caché une première arrestation en gare de Chalon-sur-Saône, quelques jours avant celle de Caluire ? Comment expliquer qu’il ait été libéré ? Et plus tard, Klaus Barbie d’ajouter : « Hardy s’est évadé de Caluire avec ma complicité, les menottes étaient truquées... sa trahison a eu une importance considérable pour nous ». René Hardy et Klaus Barbie ont emporté leur secret dans la mort. Aussi, la question demeure : qui a trahi Jean Moulin ?
(source partielle : Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation de Lyon)
Pour conserver la mémoire de ce fait tragique, la maison du docteur Dugoujon, devenue "Mémorial Jean Moulin" fait l’objet d'une inscription au titre des monuments historiques depuis le 17 juillet 1991 et reçoit le label Maison des Illustres en 2012.
Dans notre prochain épisode, nous quitterons la maison du docteur Dugoujon pour rejoindre un autre haut lieu de la Résistance : le Plateau des Glières.
Dans ces montagnes, des hommes venus d’horizons différents se sont rassemblés pour défendre un idéal commun : la liberté.
Leur combat héroïque, malgré des conditions extrêmes, est devenu un symbole de courage et de fraternité.
« Le sacrifice des Glières nous enseigne que l’espérance peut naître même dans l’adversité la plus sombre. »



Merci pour ce travail de mémoire indispensable. Ces histoires doivent continuer à être racontées
Bravo et merci pour cet article. La maison Dugoujon devient un lieu encore plus vivant grâce à vos mots.
Un lieu chargé d’histoire et d’émotion. Chaque détail nous rappelle le courage et le sacrifice des résistants.
👍