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NOUVELLE SERIE : LE 80ème ANNIVERSAIRE DU RETOUR DES DÉPORTÉS

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Il y a 80 ans, notre continent brutalisé et meurtri par une guerre idéologique effroyable, émergeait des ténèbres. La découverte des camps de concentration et d’extermination fut une onde de choc : la mort programmée de tant d’êtres humains soit par l’élimination immédiate à l’arrivée dans le camp, soit par le travail forcé et des conditions de survie telles que la mort était la fin la plus probable. Les images des survivants squelettiques, filmées par les soldats américains, britanniques et soviétiques expriment au monde entier l'ampleur et l'horreur des crimes nazis.

L'UNADIF 38 souhaite, à l'occasion de cet anniversaire, mettre en lumière cet évènement et ceux qui en sont les témoins privilégiés. Il ne reste pas beaucoup de survivants, mais des enfants ont vécu cette période, comme Jean-Pierre Celse, alors âgé de 6 ans lorsque son père est revenu du camp de Dora. Emilien Terme, journaliste au Dauphiné Libéré, vient de lui consacrer un article, paru le 7 septembre dernier.


Cet article marque le début d'une série qui explorera différents aspects de cette période pour donner à ces retours toute leur place dans notre mémoire collective.


Un long chemin de retour commence...

Les déportés qui ont survécu soit dans les camps désertés par leurs bourreaux ayant fui l’avance des armées alliées, soit aux marches de la mort ne sont pas au bout de leur calvaire.

Ils seront nombreux à mourir dans les jours, les semaines ou les mois qui suivent, du fait de leur malnutrition, des maladies contractées et des traumatismes psychologiques.

A leur libération, le retour à une alimentation « normale » est quasi impossible. Le corps tellement habitué aux privations n’arrive plus à assimiler une nourriture plus conséquente et plus riche. Il faut donc « rationner » l’alimentation pour éviter les morts par indigestion.


Beaucoup de déportés souffrent de maladies graves nécessitant des soins sur le long terme.

Le typhus, la dysenterie, la tuberculose et bien d'autres maladies chroniques font des ravages parmi cette population très affaiblie.

Il y a aussi toute la difficulté à organiser les retours, compte tenu du nombre de personnes à rapatrier dans leur pays d'origine, sachant que beaucoup de voies ferrées en Allemagne sont très endommagées par les bombardements alliés et que toute l'Europe est à genoux. La situation est chaotique et il s'écoulera beaucoup de temps, avant que chacun puisse retrouver son pays, son foyer.

C'est un vrai parcours du combattant.


Source photo : Le Monde
Source photo : Le Monde

Mais au préalable, viennent les procédures administratives d'identification, les examens médicaux nécessaires pour évaluer la situation de chacun. Des familles sont nombreuses à réclamer des informations sur leurs proches dont ils ne savent pas s'ils sont revenus ou s'ils ne doivent plus espérer le retour. Le soulagement et la joie pour les uns, la détresse pour les autres...


De retour dans leur foyer, il y avait pour certains le bonheur de retrouver des parents, une femme, un mari, des enfants et pour d'autres, l'immense douleur de la perte d'un être cher. D'autres encore, découvrent en rentrant que la femme qui partageait leur vie d'avant est partie avec un autre, parfois allemand, ce qui ravive d'autant plus le chagrin et la honte.

La victoire est fêtée partout en France mais la guerre a laissé des traces. La libération progressive du territoire national engendre une liesse populaire immense mais s’est aussi accompagnée d’actes vengeurs qui viennent perturber la réconciliation nationale. Le territoire a été libéré avant le retour des déportés et les Français ont hâte d’oublier ces années d’occupation et de souffrances. La société française, elle-même marquée par les privations de la guerre, peine à comprendre l’ampleur des souffrances endurées. Elle veut aller de l’avant et ne souhaitent pas revivre ces évènements à travers les récits des rescapés des camps.

Le silence est donc une nécessité pour se réinsérer en société : reprendre des études ou retrouver un travail sont la priorité pour un retour à une vie « normale ».  Autre difficulté : se faire reconnaître en tant que résistant déporté. Il fallait prouver par des actes précis son appartenance à un réseau de résistance, un maquis, obtenir des témoignages de camarades dont parfois, on ne connaissait pas le vrai nom, ou de personnes que l’on avait aidées mais qui avaient changé de lieu de vie sans laisser de trace…. Des épreuves qui viennent encore s'ajouter à toutes celles déjà vécues. Certains déportés n’ont obtenu cette reconnaissance qu’en 1952, voire 1955 !


La construction d'une mémoire collective

Dès 1945, les déportés s’organisent pour que leur expérience ne soit pas oubliée. Des cérémonies commémoratives sont organisées, des monuments érigés, et des livres publiés. La déportation devient un symbole de la cruauté nazie et de la résistance à l’oppression.

Et pourtant, ils sont bien peu nombreux, ceux qui au sortir de la guerre, osent parler de ce qu'ils ont vécu dans l'enfer concentrationnaire. Pour certains, ce silence durera parfois plusieurs décennies. Dans les années 1960-1970, le procès d’Adolf Eichmann et le film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais contribuent à une prise de conscience internationale.  Certains ont été encouragés à témoigner par des évènements tels que le procès de Klaus Barbie en 1987. Des récits pleins de dignité et d’émotion qui donnent à voir la force et le courage qu’il leur a fallu pour tout simplement vivre et soulever la chappe de plomb qui recouvrait cette période de leur vie.

En France, la reconnaissance officielle de la responsabilité de l’État français dans la déportation des Juifs, notamment à travers le discours de Jacques Chirac en 1995, marque une étape importante.


Héritage et transmission

Aujourd’hui, le retour des déportés en 1945 reste un moment fondateur de la mémoire nationale. Les derniers survivants, de plus en plus rares, continuent de témoigner dans les écoles et les médias. Leur parole est précieuse pour lutter contre l’oubli et les négationnismes. Au sein de l'UNADIF 38, les descendants prennent le relais pour garder cette mémoire vivante, en participant aux commémorations, à des conférences témoignages dans des établissements scolaires... Le Concours National de la Résistance et de la Déportation organisé par l'Education nationale est essentiel pour sensibiliser les jeunes, leur donner les clés des évènements passés pour mieux comprendre les enjeux de demain et se comporter en personnes responsables de leurs actes. En Isère, ce concours remporte une grande adhésion, grâce à des professeurs et à des élèves très motivés !

Des lieux comme la Nécropole de Vassieux en Vercors, le Mémorial de la Shoah à Paris, le Mémorial de la prison Montluc à Lyon, le Struthof en Alsace, ou le camp de Drancy, jouent un rôle clé dans la transmission de cette histoire. Chaque année, des cérémonies commémorent la libération des camps et rendent hommage aux victimes. 

Ce que les déportés nous ont transmis ne doit jamais tomber dans l’oubli.


Cet article ouvre une série consacrée au retour des déportés. Le premier épisode, à paraître prochainement, présentera le Voyage du retour : un périple chaotique, marqué par la maladie, la faim, l’incertitude et l’attente.

Un long chemin vers une liberté retrouvée, mais encore fragile, où chaque pas ramenait à la fois l’espoir et la douleur.


« L’oubli est plein de mémoire. »


Appel à témoignages

Si en lisant ces quelques lignes, vous souhaitez vous aussi nous faire part d'une histoire vécue ou si vous souhaitez apporter des précisions, n'hésitez pas à nous contacter ou à écrire un commentaire. Nous sommes toujours en recherche de contributions pouvant enrichir notre site.

 


3 commentaires


Invité
il y a 2 jours

Merci pour cette initiative pleine d’émotion. Le retour des déportés fut un moment à la fois de joie et de douleur, qu’il est essentiel de raconter et de transmettre.

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Marie-Laure Loustalot-Forest
13 oct.

Très bonne idée de considérer ce que fut le retour de ces hommes et femmes revenant de l'enfer alors que rien à l'époque n'était mis en place pour les aider à sortir de ce cauchemar, pas de cellule d'écoute, pas de psychologue ni de soin post traumatique, même absence d'aide sur le plan administratif.

A ce sujet, une anecdote qui illustre l'aveuglement de l'administration:

Pierre Gascon, à son retour de Buchenwald, a été convoqué devant le tribunal correctionnel pour désertion et vol d'effet militaire. En effet il était entré en clandestinité dans un réseau de résistance en "désertant" l'organisation "Jeunesse et Montagne", parti en urgence avec les vêtements de ce mouvement.

Son avocat a suggéré aux magistrats d'aller les récupérer…


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Philippe
13 oct.
En réponse à

Merci Marie-Laure pour ton commentaire et pour cette anecdote si parlante.

Tu as raison de rappeler qu’à leur retour, ces hommes et ces femmes ont dû affronter un autre combat : celui de l’indifférence et de l’incompréhension. Rien n’était prévu pour les accueillir, ni aide psychologique, ni soutien administratif, ni même reconnaissance immédiate.

L’histoire de Pierre Gascon, convoqué devant le tribunal après avoir survécu à Buchenwald, en dit long sur cet aveuglement. On mesure à quel point il a fallu du courage pour continuer à vivre, témoigner et transmettre malgré tout.

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