Conférence-témoignage : Jean-Paul Blanc — Parcours d’un déporté
- Philippe BERG
- 23 avr.
- 3 min de lecture

Jeudi 17 avril 2025, nous avons eu l'honneur d’assister à un témoignage d’une rare intensité, celui de Jean-Paul Blanc, venu retracer le destin de son père, Raymond Blanc, résistant de Haute-Savoie, déporté durant la Seconde Guerre mondiale.
Engagé dans l’armée en 1932, Raymond Blanc est démobilisé en 1941. Il entre alors dans la police française et est affecté en 1943 au commissariat d’Annecy. Derrière cette façade officielle, il s’engage dans la Résistance au sein des FFI de Haute-Savoie, participe à plusieurs actions, monte un réseau actif, et fournit de nombreux faux papiers grâce à de véritables tampons subtilisés au commissariat.
Mais le 24 décembre 1943, il est dénoncé par des collègues et arrêté. Commence alors la déportation, un long chemin de souffrances.
Le transport se fait dans des wagons à bestiaux, sans lumière, sans eau ni nourriture. Les prisonniers sont entassés, certains meurent en route. Il est interné au camp de Buchenwald, où il découvre l’univers concentrationnaire : la violence des kapos, la faim permanente, les appels interminables dans le froid, les humiliations, la déshumanisation.
Transféré ensuite aux mines de sel de Léau Plomnitz, en Silésie, il est contraint de travailler sous terre, dans des conditions effroyables : poussière, humidité, épuisement extrême, et un rationnement à peine suffisant pour survivre. Les nazis y installent des usines secrètes de fabrication de missiles V1 et V2.
Par une série de hasards, de résistances intérieures et d'entraide entre déportés, Raymond Blanc échappe à la mort. Mais en avril 1945, alors que les Alliés approchent, les nazis vident les camps. Commence alors l’épreuve terrible des marches de la mort : des kilomètres parcourus à pied, dans le froid, affamés, sans soins, parfois sans chaussures. Les plus faibles sont abattus en chemin.
Le 14 avril 1945, il est libéré par les troupes américaines du général Patton. Lors de cette fuite précipitée, l’un des SS escortant le groupe abandonne son poste à la vue des tanks alliés. Raymond Blanc récupère alors un "nerf de bœuf", fouet en cuir utilisé pour frapper les prisonniers — un symbole terrible qu’il gardera.
Lors de la conférence, Jean-Paul Blanc a présenté cette pièce ainsi que la tenue de déporté de son père, rayée, usée, bouleversante de silence. Deux objets devenus preuves. Deux objets devenus mémoire.
De retour en France, Raymond Blanc doit faire face à une autre forme de combat : les séquelles physiques et psychologiques, la difficulté à se reconstruire, les démarches laborieuses pour faire reconnaître son statut de déporté, et surtout le silence. Comme beaucoup, il garde enfoui ce qu’il a vécu. Mais au sein de sa famille, il commence, lentement, à livrer son récit à ses enfants.
Raymond Blanc s’éteint en 1976, marqué à jamais par les épreuves traversées.
Aujourd’hui, son fils Jean-Paul Blanc prend la parole, avec émotion, pudeur et dignité, pour transmettre ce que son père lui a confié. Un témoignage familial devenu mémoire collective.
Un récit qui nous rappelle que, derrière chaque matricule, chaque camp, chaque nom, il y a une femme, un homme, une mère, un père, un(e) résistant(e).
Une rencontre inattendue, un lien bouleversant
Un moment inattendu et profondément émouvant a clôturé cette conférence. Dans l’assemblée se trouvait un jeune couple accompagné de leurs deux enfants.
À l’issue de la rencontre, une partie du public s’est attardée autour de la table de présentation du livre de Jean-Paul Blanc, Esprits de résistance.
Au fil des échanges, Jean-Paul Blanc évoque le nom de Pierre Stagnara, éminent médecin lyonnais, pionnier des traitements orthopédiques de la colonne vertébrale. Il raconte avec émotion que cet homme a probablement contribué à sauver sa vie, grâce à des soins novateurs qu’il reçut après la guerre.
C’est alors que la jeune mère de famille, visiblement bouleversée, reconnaît dans ce nom celui de son propre grand-père.
L’émotion fut immédiate et partagée, cette coïncidence extraordinaire résonnant comme un pont entre les générations, entre les destins, entre la mémoire et la vie.
Le lien a été aussitôt communiqué à l’ensemble des personnes présentes, dans un silence chargé d’histoire, d’humanité, et d’un profond respect.
Cette conférence s’est tenue dans les locaux de Grenoble Alpes Métropole. Un grand merci au président Christophe Ferrari de nous y avoir accueillis chaleureusement et d’avoir souligné l’importance de ces témoignages pour faire vivre la mémoire, génération après génération.
Merci pour ce reportage et ces photos, quel symbole extraordinaire que la rencontre entre la jeune femme et JPBlanc qui fut soigné par son grand-père !